Article de Monique Lerouvillois dans le n° 121 – juillet/août 2008,
du magazine “Antiquités Brocante”, page198
Reconnaître un Boutis Ancien
par Marie-José Aymar-Beaumelle
On l'appelle boutis, mais son vrai nom est la piqûre de Marseille. Cette broderie particulière chère à la cité phocéenne cache des trésors de finesse. Apprenez à l’identififier
"Antiquités Brocante" : Qu'appelle-t-on boutis ?
M.-J. Eymar-Beaumelle : Cela n'existe pas. Il existe par contre la "broderie emboutie" très connue dès le XVe siècle. C'est-à-dire en fort volume, qui signifie bourrée de fibres : soie, coton, poil, et déchet de plumes connu aussi sous le nom de "laine d’Autriche" car il s'agit en fait de plumes d'autruches... Et c'est ce terme de broderie emboutie qui a donné, dans le langage courant, le mot "boutis" mais son vrai nom est la piqûre de Marseille ! Elle est pratiquée dans la cité phocéenne à partir du XIIIe siècle. Mais sa période de diffusion ne commence qu'en 1686, car jusque-là, elle est assimilée aux indiennes interdites en France du fait de leur concurrence avec les fabrications des manufactures françaises. La piqûre marseillaise a longtemps été interdite partout en France, sauf à Marseille, son lieu de fabrication.
A.B. : Quelle est la technique de la piqûre de Marseille ?
M-J.E-B. : Un dessin est realisé sur une toile de batiste (toile de coton très fine) ou de percale. On assemble ensuite cette toile de batiste à une autre toile de coton pour l'envers. On pique suivant le dessin au point avant-arrière ou au point de piqûre. Ainsi on réalise les espaces que l'on va “emboutir". Sur l'envers, à l'aide d'un poinçon, en écartant délicatement trame et chaîne on introduit les mèches de coton en les bourrant dans chaque espace délimité par les piqûres. Les points marqués par l'écartement de "l'armure" à l'introduction des mèches de coton se resserrent et se referment d'un tour de main ou tout naturellement au premier lavage de l'ouvrage.
A.B. : Qui pratiquait cette broderie en piqûre de Marseille ?
M.-J.E.-B. : La corporation des brodeurs et des cotonniers (principalement des hommes) a le privilège de broder. Après la Guerre de Sept Ans, la piqûre de Marseille tombe dans le domaine public d'autant plus qu'à partir de 1760, les Anglais ont inventé une machine qui tisse à double épaisseur et peut remplacer les piqûres manuelles
A.B. : À quoi reconnaît-on une vraie piqûre de Marseille ancienne ?
M.-J.E.-B. : Elle est entièrement brodée à la main. Et pour avoir une idée de son ancienneté, il faut se référer au répertoire décoratif de chaque époque. Un savoir purement visuel qui s'acquiert au fil du temps et qui évolue. C'est le reflet de la mode. Il existe des pièces datées et plus rarement avec les initiales du brodeur. Mais en général, les pièces du XVIIe sont de plus en plus rares. Beaucoup ont été recyclées au XIXe, siècle, elles ont été converties en pièces de layette...
A.B. : Comment s'entretient un boutis ?
M.-J.E.-B. : Il se lave à la main avec du savon de Marseille et de nombreux rinçages. On fait dissoudre les paillettes de savon dans de l'eau chaude. On les verse sur un drap et l'on couvre d'eau froide ou tiède. Il faut mettre ensuite la couverture en piqûre de Marseille. On peut la fouler au pied (c'est très bon !) après avoir pris soin de rabattre les pans du drap. Important pour ne pas casser les fils."
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Biographie de Marie-Josée Aymar-Beaumelle
1977 -Devient membre du C.I.E.T.A. [Centre International d'Étude des Textiles Anciens].
1977-1985 Responsable des costumes au musée du Vieux Marseille.
1985-1987 Travaille au musée Grobet-Labadie, ancien hôtel particulier d'une famille bourgeoise marseillaise.
1988-1999 Ouvre sa boutique de textiles anciens.
2008-Du ler juin au 30 septembre, exposition "500 ans de dentelles" au château de Sauvan à Mane (04).